03 March 2021

Dans un milieu automobile en pleine mutation, allant à marche forcée vers une transition énergétique, les repères sont redéfinis, les références changent. Toutes les références ? Non. Dans le tourbillon qui agite cette industrie, il y a des marques qui demeurent imperturbables, sans pourtant sacrifier l’innovation ni s’opposer aux changements. Rolls-Royce figure clairement parmi les membres de ce club fermé.

  • V12, biturbo, essence, 6’749 cm3
  • 571 ch à 5’720 t/min
  • 850 Nm à 1’500 t/min
  • Boîte de vitesses automatique, 8 rap.
  • Vitesse maxi : 250 km/h
  • 0 à 100 km/h en 4.9 sec.
  • Poids : 2’490 kg
  • Long./larg./haut. (mm): 5’546 x 1’978 x 1’570
  • Conso. mesurée : 16.8 l/100 km
  • Emissions CO2 : 360 g/km (G)
  • dès CHF 334’860.-, mod.essayé: CHF 436’160.-


Texte : Matthieu Giraudier / Photos : Cao-Thang Jeffrey Pham, Matthieu Giraudier, Patrick Schneuwly


La limousine Ghost est sans conteste un succès commercial : lancée en 2010, pour occuper le segment « entrée de gamme » de la firme britannique, elle s’est imposée en une petite décennie comme le modèle le plus vendu de la marque. Ni plus, ni moins.

Il était donc essentiel pour les hommes de Goodwood de capitaliser sur ce succès, tout en s’inscrivant dans la nouvelle philosophie de la marque dite « Post Opulence ». Un défi de taille s’il en est. Le luxe peut-il se conjuguer avec plus de simplicité ? Ce changement d’esprit ne marque-t-il pas une forme de trahison à l’esprit Rolls-Royce ? Verdict dans la suite.

A l’extérieur

Je l’introduis sans détours ni ambages : cette nouvelle Ghost me fait l’effet d’une douche écossaise. Mes émotions font le yoyo tandis que j’admire l’avant ou la face arrière de l’auto.

La proue d’abord : quel visage ! Certes, pas de chamboulement, on retrouve la mythique grille Panthéon et les projecteurs rectangulaires très distinctifs du dessin actuel du constructeur, et pourtant l’allure est grandiose. Statutaire, volontaire mais raffiné, je suis subjugué par l’évolution du trait. Les arêtes sont plus nettes, les volumes plus francs. Les lignes de flancs viennent ciseler le cadre avant. En clair, le design est moderne et confère au véhicule une identité forte et un caractère sans pareil.

L’arrière quant à lui… est daté. Trop lisse à mon goût, trop convenu, sans prise de risque, il verse dans le style « voiture à grand-papa ». Ce n’est pas vilain, loin de là, mais la proposition jure avec ce qui est affiché à l’avant.

De profil, on note clairement que l’arrière a été largement revu, avec une chute de pavillon moins appuyé et une malle coffre plus harmonieuse. La nouvelle « Ghost » est d’origine pourvue de jantes 19 pouces, mais il est possible de parer la belle de roues 21 pouces, partiellement ou totalement polies, sans surcoût avec le « Launch pack ».

Notre modèle d’essai profite du coloris Artic White, appartenant à la « Standard Palette ». Pour les clients soucieux de plus de personnalisation, le catalogue d’option est extrêmement fourni et permet l’ajout d’éléments très distinctifs. Ainsi, il est possible d’opter pour une couleur totalement sur-mesure, d’adopter une alliance bi-tons avec partie supérieure contrastée, ou encore d’une finition « Iced » ou « Crystal ». La célèbre « Coachline » peut être apposée sur la ligne de ceinture de la nouvelle Ghost.

A l’intérieur

Si l’expérience visuelle avec l’extérieur est déjà chatoyante sur bien des aspects, ce n’est rien en comparaison avec l’univers proposé par l’habitacle. Comme pour la Dawn, que j’avais eu le plaisir d’essayer il y a deux ans, dès lors que l’on ouvre les portes, on reste un long moment à observer les moindres détails qui constellent l’intérieur. Bien décrire le tout est un exercice difficile, tant il y a à dire.

Le souci de la minutie est extrêmement poussé, la qualité des matériaux est fabuleuse et on peut sentir que même dans l’assemblage il y a une progression, finement perceptible.

A la vue, l’ensemble apparaît sophistiqué, mais globalement sobre. Configurée avec la finition « Artic White & Black » couplé aux boiseries « Obsidian Ayous » (l’Ayous étant un des noms de Triplochiton scleroxylon, pour les amoureux de botanique), le rendu est particulièrement chatoyant et très « feng shui ». Au toucher aussi, les sensations sont formidables, avec des matériaux qui respirent la noblesse.

Pour la première fois de ma vie (et je n’ai jamais pensé une seule fois pouvoir écrire pareille chose dans un article), je me surprends à profondément adorer… un tapis de sol ! Et pour cause, fabriqué à base de laine d’agneau, le rendu duveteux est tout simplement d’un autre monde. Tant et si bien qu’aujourd’hui je rêve d’en avoir un pour ma maison !

Pour autant, tout n’est pas absolument parfait. Il fallait bien un petit rien, ce petit grain de sable pour altérer la perfection. Certains éléments, faits de plastique, paraissent clairement de moins belle facture. Les comodos, le sélecteur de vitesses, ou encore les divers boutons tels que les lève-vitres ne sont pas tout à fait à la hauteur. La Ghost étant certes située en entrée de gamme, les designers auraient pu opter pour des pièces moulées en alliages métalliques plutôt que pour du plastique somme toute banal.

Néanmoins, comparativement à la voiture de Monsieur Tout-le-Monde, ces éléments sont très bien finis, mais contrastent franchement avec la qualité des assises, qui se parent de gaufrages et de passepoils, avec le plafonnier « Shooting Starlight », hypnotisant, ou l’inscription illuminée « Ghost » parant la planche de bord.

L’habitabilité est sans surprise excellente, tant à l’avant qu’à l’arrière, le confort figure parmi le summum de ce qui peut exister. Les places arrière profitent grandement du nouveau dessin du pavillon de toit, avec un espace à la tête agrandi.

Sous le capot 

Le cœur de la belle est à l’image de sa robe : hors du commun. On retrouve ici un V12 biturbo de 6.75 litres, développant une puissance de 571 ch, pleinement disponibles à 5’720 t/min. Le couple offert, accessible intégralement dès 1’500 t/min, affiche le nombre pharamineux de 850 Nm. Des chiffres qui impressionnent et confère à la Ghost une grande vélocité, malgré un poids de 2’490 kg à vide. La vitesse maximale est limitée électroniquement à 250 km/h, tandis que le 0 à 100 km/h est une affaire de 4.9 secondes.

En matière de gourmandise, si je compare avec le bloc V12 6.6 litres qui équipe la Dawn, je constate une petite amélioration. Si la décapotable avait brûlé 18.21 l/100km d’essence lors de parcours particulièrement mixtes, dans une configuration d’essai très similaire, la Ghost II en brûle 16.8 l/100km, au long d’un essai de 380 kilomètres. Un chiffre qui peut faire peur à certains, mais si on considère la taille de la cylindrée, ce n’est pas particulièrement étonnant.

Au volant

Tel que j’ai pu l’indiquer auparavant, l’examen de la Ghost II est l’occasion pour moi d’essayer pour une seconde fois une Rolls-Royce. Si l’étonnement du premier contact n’est plus, la joie de retrouver un univers si particulier et hors de toute catégorie est réel.

Si je devais résumer en un mot cet essai, je choisirais le mot « Volupté », tant il sied parfaitement à la philosophie de la voiture. Les sens ne sont jamais mis à mal, tout est facile, doux, sans efforts. « Effortless » sont justement les portes, nom donné à la fonctionnalité qui permet d’accompagner le mouvement de ces dernières. A l’avant comme à l’arrière, actionner deux fois la poignée de porte permet d’ouvrir puis d’activer le système, qui accompagne le mouvement d’ouverture. Une proposition de confort auquel on s’habitue très rapidement et qui me manque cruellement quand je reprends ma si banale voiture personnelle. A l’arrière, les portes sont antagonistes et peuvent être fermées électriquement, sur simple pression continue d’un bouton.

En tant que passager, les places arrière sont naturellement le bon lieu pour profiter d’une expérience exquise, assis dans les sièges « Immersive ». On fait face aux larges écrans déployés électriquement, avec à disposition une chambre froide, dissimulée entre la seconde rangée de sièges et le coffre. C’est aussi la place optimale pour se perdre dans l’illumination du plafonnier « Shooting Starlight », dont les points de lumières LED simulent le scintillement des étoiles. On se surprend à attendre presque fébrilement l’apparition d’une étoile filante. Un élément intérieur absolument unique et magique à la fois.

Le conducteur n’est pas pour autant laissé pour compte, bien au contraire. La position de conduite est sans défaut, avec des réglages permettant de trouver un plein confort. On retrouve le volant si distinctif de la marque, large dans son diamètre, mais à armature extérieur fine, héritage des voitures du début du siècle passée. Un saut nostalgique dans le temps qui vous place immédiatement dans une atmosphère spéciale, un ressenti que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.

Bien qu’avec des proportions singulières, dont le capot qui rompt avec les designs habituels, la prise en main de la Ghost deuxième génération est une formalité. Le gabarit est très facilement appréhendable, d’autant plus qu’elle est agile. Pour la première fois dans le segment, les quatre roues sont motrices et directrices. Un choix technologique qui fait une différence folle dans le ressenti de conduite, tant manier le beau navire devient plus aisé. Malgré ses dimensions, la Ghost II braque court et se montre dynamique dans les changements de direction, avant cependant un roulis nettement présent. Rien d’étonnant à cela, les Rolls-Royce ont dans leur ADN la volonté d’offrir un niveau de confort inégalable, qui se caractérise par l’effet « tapis volant » si célèbre. La fatale contrepartie à cette souplesse est que les transferts latéraux de masse sont plus perceptibles.

A l’orée de ce test, je ne pensais pas que la filtration des imperfections façon « Rolls » pouvait être améliorée, tant la Dawn m’avait subjuguée. Pourtant, les hommes de Goodwood ont poussé le progrès plus loin. Ayant déjà déployé la technologie « Flagbearer », système proactif qui lit le terrain pour ajuster en temps-réel les suspensions, la Ghost est dotée de la toute nouvelle fonctionnalité mécanique « Planar ». Pour l’expliquer simplement, le « Planar » est une suspension… de suspension. Une masse amortie avec des butées en caoutchouc vient pincer le triangle supérieur. La simple présence de la masse supplémentaire vient filtrer les vibrations de basses fréquences tandis que l’action mécanique de la pince d’amortissement additionnel vient grandement supprimer les vibrations de hautes fréquences, qui sont habituellement largement transmises par le triangle supérieur.

Le résultat est saisissant : les irrégularités de la route sont totalement annulées, les contraintes plus importantes, du type passage d’amortisseur, sont absorbées en très grandes parties. Pour avoir traversé des zones avec des travaux routiers via une chaussée très cabossée, je peux constater que l’alliance de technologies numériques et mécaniques fait des prouesses.

A ces spécificités, il faut naturellement ajouter la noblesse du bloc moteur. Le caractère qu’il développe en fait un agrément de conduite splendide, avec un couple qui facilite n’importe quel type de manœuvre. Les accélérations peuvent tantôt être fluides mais efficaces, tantôt franches, à la limite du brutal. On peut cependant sentir que la boîte et l’algorithme lié font office de « tampon » pour encaisser la force incroyable délivrée par le moulin. En résultent quelques latences sur les sollicitations les plus marquées. Il demeure que chaque sortie est un plaisir, une vraie balade. La route ouverte, sans surprise, est le terrain privilégié de la berline, où l’on exploite toutes les qualités intrinsèques du véhicule.

Verdict

La nouvelle Ghost monte clairement en puissance et déploie un arsenal d’arguments pour rester le modèle favori de la gamme. Cette mouture est affirmée dans son style sans pour autant rouler des mécaniques. Finement équipée, mais toujours axée sur l’humain, elle rend compliqué d’être autre chose que dithyrambique à propos de cette automobile.

Vrai fer de lance de la nouvelle philosophie de la marque, l’ère « Post Opulence », elle met en relief, avant toute chose, un savoir-faire d’exception d’une empreinte historique. Le tout au service d’une expérience de conduite et de voyage absolument unique et formidable.

Prix et options – Rolls-Royce Ghost MY2021

Prix de base : CHF 334’860.-

“Coachline” dans la palette standard : CHF 1’800.-

Intérieur Artic White & Black : Boiserie Obsidian Ayous : CHF 3’600.-

“Spirit of Ecstasy” en “Solid Silver” : CHF 7’200.-

Echappement chrome : CHF 5’000.-

Centre de roues couleur carrosserie : CHF 1’200.-

Sièges “Immersive” : CHF 13’000.-

Sièges avant et arrière massant et ventilés : CHF 4’900.-

Chambre froide arrière : CHF 3’100.-

Pavillon de toit “Shooting starlight” : CHF 17’100.-

Passepoils aux sièges et étendus : CHF 6’200.-

Gaufrage aux portes : CHF 2’000.-

Application entendue de vernis : CHF 3’800.-

Branche de volant vernies : CHF 1’200.-

Fascia illuminée : CHF 5’300.-

Horloge sur-mesure : CHF 6’300.-

Configuration arrière “Cinéma” : CHF 8’500.-

Table “Picnic” : CHF 5’700.-

Rideaux pour compartiment arrière : CHF 5’400.-

Prix TOTAL : CHF 436’160.-

Pour partager vos impressions, rendez-vous sur notre page FaceBook.

Nos remerciements à Rolls-Royce Motor Cars pour le prêt de cette nouvelle Rolls-Royce Ghost, ainsi qu’à Rolls-Royce Motor Cars Geneva (Pegasus Automotive Group) pour leur soutien logistique, mais aussi à PR & co pour leur collaboration.

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