11 May 2011

La placide compacte de Toyota, qui figure en bonne place dans le classement des ventes de son segment en Suisse, s’offre une cure de vitamines chez le sorcier argovien Bemani. Au programme, pas moins de 240 CV et 278 Nm de couple qui seront servis en série ultra-limitée dans notre pays uniquement, à 80 exemplaires. Est-ce un collector en devenir ?

  • 4 cylindres, compresseur, 1798 cm3
  • 240 CV à 6’400 t/min
  • 278 Nm à 5’790 t/min
  • Boîte de vitesses manuelle, 6 rapports
  • Vitesse maxi. : 200 km/h (bridée électro.)
  • 0 à 100 km/h : 6.8 sec.
  • Poids : 1’390 kg
  • Conso. mesurée : 9.5 l./100 km
  • CO2 : 172 g/km (D)
  • dès CHF 39’900.-
    modèle essayé : CHF 40’490.-

 


Texte et photos : Jérôme Marchon


 

L’extérieur

Toyota Suisse a pris l’habitude, depuis quelques années, de proposer à sa fidèle clientèle une version délurée de son modèle à succès sous nos latitudes. Après la Corolla et la Yaris, c’est aujourd’hui l’Auris qui s’y colle.
De l’extérieur, rien au premier regard ne permet de distinguer cette Auris Kompressor de ses soeurs plus sages. Hormis le gros autocollant sur les flancs, tout se passe visuellement à l’arrière. L’Auris se voit affublée d’un gros pare-chocs spécifique, peinant à cacher les grosses marmites de la double sortie d’échappement en inox qui aurait pu être mieux intégrée à l’ensemble. Même les tuners du samedi après-midi, pour certains, sont capables de mieux. Les observateurs attentifs noteront à l’avant et bien caché derrière sa grille, la présence de l’échangeur air-eau estampillé du logo Bemani. Je reste malgré tout sur ma faim : devant « l’exclusivité » annoncée de l’engin, 80 exemplaires seulement, j’aurais espéré un peu plus d’audace stylistique comprenant par exemple des jantes autres que celles du modèle de série, éventuellement un kit carrosserie spécifique sobre et un tantinet plus d’agressivité dans la ligne. Seuls deux coloris sont disponibles : blanc “Pure White” et noir “Night Sky Black”, ce dernier contre un supplément de prix.

 

L’intérieur

Dans l’habitacle, le conservatisme, voire la tristesse, prévalent. Seules les surpiqûres et tissages rouge de la sellerie ainsi que les quelques touches gris aluminium apportent un soupçon de gaieté. Malgré ce constat, je reste agréablement surpris par la bonne qualité de fabrication de l’intérieur. Certes les matériaux sont basiques (plastique et tissu), mais le choix des textures ne souffre d’absolument aucune critique compte tenu du positionnement tarifaire de l’auto. Le plastique moussé du haut de la planche de bord est agréable à la fois au toucher et à la vue. Excepté quelques défauts d’ajustement dans l’assemblage, les écrans digitaux d’un autre âge et l’aspect bon marché de certains boutons, l’ensemble respire la qualité et est bien loin des moulages grossiers dont Toyota, et les constructeurs japonais en règle générale, étaient coutumiers il n’y a pas si longtemps. Du côté de la dotation, cette série limitée « Black & White » vous fera bénéficier d’un équipement enrichi, comprenant notamment le GPS à écran tactile, la connexion Bluetooth pour le téléphone ainsi que la climatisation automatique bi-zone. L’instrumentation est également sobre, mais les informations essentielles sont présentes et bien lisibles.

 

A bord

L’habitabilité est sans nul doute l’un des points forts de cette Auris. Beaucoup d’espace, un habitacle baigné par la lumière et nombre de rangements seront à votre disposition. La visibilité est excellente, quoique entravée aux 3/4 avant par des montants de pare-brise imposants. Les passagers arrière trouveront suffisamment de place pour leurs jambes, même avec les sièges avant reculés à leur maximum. Appréciable pour les grands gabarits. Toutefois, le manque de maintiens prononcés sur les places arrière péjore considérablement le confort sur les tracés sinueux. A l’avant, l’assise particulièrement haute des sièges oblige l’adoption d’une position de conduite particulière, peu propice à une conduite sportive que laisserait supposer le pédigrée mécanique de notre auto. La faute probablement à la console centrale surélevée, sur laquelle trône fièrement le levier de vitesses, qui ne permettrait que très difficilement un positionnement plus bas. Comme à l’arrière, l’assise des fauteuils avant manque singulièrement de profil. Dommage, car le dossier, quant à lui, remplit parfaitement ce rôle. La capacité du coffre est dans la norme pour la catégorie, 354 litres, pouvant atteindre 1’335 litres une fois la banquette rabattue (60/40).

 

Sous le capot

L’intérêt de cette Auris Kompressor se trouve donc sous le capot. Prenant comme base la version “S” 1.8 litres Valvematic de 147 CV, le préparateur de Beinwil Am See (AG) y ajoute donc un compresseur et toute la plomberie en conséquence. Les mécaniques Toyota n’ont plus de secret pour lui; au fil des années, Bemani est devenu l’une des références parmi les préparateurs suisses, en particulier pour les Lotus à moteur Toyota. Son catalogue propose en outre le même montage pour bon nombre d’autres propulseurs de la marque japonaise. Donc notre sympathique compacte voit sa puissance augmentée de 63% (ou 93 CV), culminant ainsi à 240 CV. Le couple subit le même traitement, passant de 180 à 278 Nm (+ 54%). Ca promet ! L’échappement se voit modifié, plus libre, et doté de deux grosses sorties latérales en inox distillant un son très rauque en parfaite adéquation avec la définition de l’auto. Le châssis quant à lui est également revu compte tenu de la nouvelle puissance, rabaissé de 40 mm et équipé de suspensions raffermies H&R. Tout un programme !
Cette Auris Kompressor affirme ses velléités dès le tour de clé. Un bruit sourd et grave traverse l’échappement tandis que le sirénage caractéristique du compresseur apporte ses harmoniques aiguës. Voyons sur la route comment se comporte cette compacte dopée au wasabi argovien.

 

Au volant

Dès les premiers tours de roues, le châssis révèle le réglage sportif de la suspension. Les imperfections à haute fréquence sont sèchement filtrées, mais l’ensemble apparaît malgré tout assez homogène sur la route, apportant un bon ressenti au volant pour peu que vous appréciez les voitures « dures », ce qui ne sera pas nécessairement le cas de vos passagers. La direction reste beaucoup trop assistée avec cette configuration de châssis. Parfaite pour la ville, mais très délicate à haute vitesse où je perçois un certain flottement du train avant. Enfin, la précision du levier de vitesses laisse également à désirer, tant dans la longueur des débattements, le guidage et surtout le verrouillage des rapports peu perceptible.
Une fois à vitesse constante, en sixième notamment, l’échappement devient difficile à supporter pour une voiture à vocation « familiale » avant tout. Les marmites résonnent et la conjonction de leur fréquence avec celles des basses de l’autoradio, bien que positionnées sur leur intensité minimum, provoque dans l’habitacle un bourdonnement difficilement supportable sur les longs trajets. Il reste donc deux solutions, soit éteindre l’autoradio, ou descendre d’un rapport afin d’augmenter le régime moteur qui atténuera cet effet de « droning ».
Bien que le moteur déborde de chevaux pour une compacte, je constate malheureusement que son caractère est fortement inhibé par la longueur des rapports de la boîte de vitesses. Comme de plus en plus de véhicules actuels, les rapports, bien qu’au nombre de six, sont particulièrement longs afin de minimiser la consommation d’essence. Dès lors, en se fiant au « Shift Indicator » présent sur l’instrumentation vous suggérant de passer le rapport supérieur dès 2’500-3’000 t/min au maximum, vous passerez à côté de l’apport de puissance du compresseur qui délivre la sauce dès 4’000 t/min. Eh oui, ce 1.8 l. Valvematic s’avère creux dans les bas régimes et il ne faut pas hésiter à venir taper relativement haut dans les tours afin d’obtenir des relances dignes de ce nom. Il est donc essentiel de rétrograder afin d’atteindre la plage optimale pour tirer profit du compresseur. Une fois les 4’000 t/min atteints puis dépassés, l’Auris est transfigurée. Le compresseur apporte une allonge phénoménale qui ne sera stoppée que par le rupteur aux alentours des 6’500 t/min.
En conduite dynamique l’Auris Kompressor fait preuve, globalement, d’une très bonne tenue de route grâce à son châssis modifié. Les courbes sont négociées aisément, mais les relances appuyées laissent apparaître à la fois des effets de couple dans le volant et une perte de motricité, signifiant que le train avant peine à distiller toute la puissance. Ce défaut est encore accentué sur chaussée humide, auquel j’ajoute un sous-virage prononcé lorsque les conditions d’adhérence se dégradent. Le roulis est bien maîtrisé malgré un centre de gravité élevé. Le système de freinage manque singulièrement de mordant à l’entame de la pédale, nécessitant d’anticiper l’action sous peine de se retrouver en fâcheuse posture…
A la pompe, il est effectivement possible de rester aux alentours des 8.0 litres/100 km en conduite coulée. Une fois que le rythme et la sollicitation du compresseur augmentent, il devient nécessaire d’alimenter à la bête en conséquence, à raison de près de 12 litres aux 100 km. La consommation durant notre essai mêlant autoroute, ville, trajets extra-urbains et conduite dynamique révèle une moyenne de 9.5 litres/100 km

 

Verdict

Au terme de cet essai, mon sentiment sur cette Auris Kompressor est mitigé. D’un côté, je ne peux que féliciter Toyota de tenter de venir piétiner les plates-bandes des leaders du segment comme la Renault Megane RS ou la VW Golf GTI. De l’autre, malgré un positionnement tarifaire similaire aux deux Européennes, la Toyota reste tout de même derrière en termes de prestations. La preuve est une nouvelle fois faite que la conception d’une vraie sportive demande un travail plus poussé que confier une voiture basique à un préparateur pour gonfler le moteur et raffermir les suspensions. Malgré une bonne volonté évidente, il demeure que cette Auris présente un certain nombre de lacunes nuisant au plaisir de la conduite sportive. Seule peut-être sa diffusion ultra-confidentielle pourrait faire de cette Toyota “engineered in Switzerland” un collector à proprement parler. Dommage, si près du but !

 

 

Prix et options – Toyota Auris Kompressor

Prix de base : CHF 39’900.-

Peinture “Night Sky Black” : CHF 590.-

Prix TOTAL : CHF 40’490.-

 

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Nos remerciements à Toyota Suisse pour le prêt de cette Auris Kompressor.

 

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