Essai – Land Rover Defender 110 P400 : Le fils n’a rien à envier au père

Le statut d’icône n’est pas seulement réservé aux voitures les plus puissantes de leur temps ou aux modèles qui ont révolutionné le design automobile. Il y a de ces automobiles qui ont marqué leur époque ou même traversé les âges à la force de leurs aptitudes mécaniques hors du commun, grâce à leur robustesse ou leur caractère sans pareil. Le Land Rover Defender fait partie de cette catégorie. Le renouveler, dans notre ère contemporaine, s’avère donc être un exercice dangereux.

  • 6 cylindres, turbo, essence, 2’995 cm3
  • 400 ch de 5’500 à 6’500 t/min
  • 550 Nm de 2’000 à 5’000 t/min
  • Boîte de vitesses automatique, 8 rap.
  • Vitesse maxi : 208 km/h
  • 0 à 100 km/h en 6.1 sec.
  • Poids : 2’343 kg
  • Long./larg./haut. (mm): 5’018 x 2’008 x 1’967
  • Conso. mesurée : 14 l/100 km
  • Emissions CO2 : 255 g/km (G)
  • dès CHF 80’700.-, mod.essayé: CHF 100’580.-


Texte : Matthieu Giraudier / Photos : Matthieu Giraudier, Patrick Schneuwly


Qui ne connaît pas le Defender ou le Def’ pour les intimes ? Avec sa gueule carrée, son style très « roots », sa fabrication à la britannique et surtout sa nature baroudeuse, il est rentré dans la culture collective comme le véhicule de l’aventure, que l’on peut amener aussi bien dans le sable, dans la boue, dans la jungle ou encore au fin fond de la toundra.

Comme toutes choses évoluent, Land Rover décide en 2016 d’arrêter la longue et belle carrière du rustique 4×4, avant d’annoncer en 2018 l’arrivée de la deuxième génération (ou de la sixième série). Un défi de taille pour la marque britannique, qui tient à préserver l’héritage du nom tout le faisant entrer le modèle dans le 21ème siècle. Une question brûle alors les lèvres de tous : est-ce que cette mouture moderne est à la hauteur de son prédécesseur ? Réponse dans la suite.

A l’extérieur

On peut le dire sans ambages, discuter de design néo-rétro figure parmi les exercices les plus houleux chez les passionnés d’automobiles, tant le sujet clive franchement, ayant autant de détracteurs que d’adorateurs. Pour le cas du Defender, il paraissait inenvisageable que la nouvelle génération ne soit pas dans cette veine, tant la philosophie du modèle historique est puissante et le dessin reconnaissable parmi 1’000 véhicules. La nouvelle mouture fait pourtant dans l’esthétique hybride, misant sur un caractère global fortement hérité de ces ancêtres, tout en se modernisant franchement.

Pour commencer dans les éléments signature, vrai clin d’œil au passé, on peut débuter par la stature cubique de l’ensemble. C’est ce qui interpelle en premier lieu : le Defender dernier cru est massif, très imposant, tout en volume, ce qui lui confère un caractère statutaire. Autre élément que l’on peut citer est naturellement les optiques avant, rondes, accompagnées sur l’extérieur des clignotants, ici plus rapprochés des projecteurs. On remarque aussi les lucarnes latérales du pavillon, vieil héritage issu des nécessités militaires du modèle original, tout comme les plaques de protections du capot avant.

Côté modernité, le Defender est ici plus en rondeur sur les franges, les arêtes ne sont plus aussi saillantes qu’avant. Tout autour du véhicule, les pièces de carrosserie sont plus ciselées mais font aussi plus « plastique ». Le look de baroudeur d’antan en prend un coup et, sans même monter dans le véhicule, on s’imagine moins embarquer l’engin dans la jungle ou aller dévorer à n’en plus finir du sable dans un lointain désert. C’est ici plus sage et clairement plus urbain.

Les phares arrière connaissent aussi un renouveau stylistique, avec une forme carrée et une disposition verticale sur les flancs de la face arrière. Sur les côtés, on retrouve les ouïes caractéristiques des modèles Land Rover, celle de gauche n’étant pas purement esthétique mais aussi fonctionnelle, puisqu’elle peut accueillir un snorkel.

Le design du nouveau Defender divise pour sûr. A mes yeux, c’est une réussite, un bon dosage entre éléments qui ravissent les fans du modèle et une évolution logique vers une esthétique moderne, qui s’accorde avec les standards du moment.

A l’intérieur

Si le glissement de philosophie vers un style plus urbain se fait sentir à l’extérieur, cette impression est bien plus forte une fois que l’on arrive dans l’habitacle. Exit les cadrans à l’ancienne et la console centrale rudimentaire où l’on entend les rappels claqués à chaque fois que l’on désactive une fonction électrique. Le rustique fait place à un environnement de SUV ce qu’il a de plus conventionnel.

Les ingénieurs de la marque ont bien tenté de rendre l’habitacle un brin agreste, avec des têtes de vis apparentes dans les contre-portes et l’emploi de matériaux plus rugueux, mais le résultat n’est, selon moi, pas franchement concluant. Le plastique blanc cassé gris employé dans la structure primaire du volant ainsi qu’en placage çà et là n’est pas du meilleur effet. Il fait simplement « cheap ». Quand on ajoute les revêtements en fibres synthétiques qui recouvrent entre autres les arêtes de la planche de bord, la sellerie en textile épais qui semble se salir facilement, les choix opérés par les hommes de Coventry ne concourent ni à bon ressenti de finition ni à la sensation de robustesse que l’on attend d’un 4×4 aventurier. Sur ce point, je suis assez perplexe et légèrement déçu. J’aurai apprécié une prise de parti plus nette à la faveur de l’utilitaire.

2020 oblige, le tableau de bord se pare de cadrans purement numériques et hautement configurables. La résolution est fine et permet une captation rapide des informations essentielles. C’est aussi le cas pour l’écran central qui embarque une interface très classieuse mais peu ergonomique. Les fonctionnalités majeures ne tombent pas nécessairement sous la main. Simplement changer le mode de conduite est une tannée. Certains diront que l’on ne change pas tous les quatre matins de mode sur ce type de véhicule : raison de plus pour que ce type de manœuvre soit facilement retrouvable. Il demeure que les informations fournies sont limpides et utiles.

Avec une longueur de 5’018 mm (4’758 mm sans la roue de secours), le volume intérieur est logiquement conséquent, avec une réparation entre le compartiment avant et arrière bien équilibrée. Le coffre est, quant à lui, d’une très bonne capacité, avec 857 litres à disposition en configuration standard, pouvant s’étendre à 1’946 litres une fois la banquette rabattue. En matière de confort, le Defender assure étonnamment. On s’y sent très bien, même lors de longs trajets.

Sous le capot

La gamme de motorisation du nouveau Defender repose sur trois blocs : les 6 cylindres en ligne de 3 litres, diesel comme essence, et le 4 cylindres en ligne essence de 2 litres.

L’Ingenium 6L diesel se décline en trois variantes : le D200, D250 et D300, le nombre dans la dénomination indiquant naturellement la puissance du moteur. Toutes ces versions sont couplées avec une hybridation douce 48 volts (MHEV). Le moulin de 2 litres peut être choisi en déclinaison P300 sans hybridation ou P400 PHEV (hybride « plug-in »). Le dernier moteur, l’Ingenium 6L 3 litres essence, qui équipe notre véhicule d’essai, n’est disponible qu’en P400 MHEV. Tous les motorisations sont couplées de série à une transmission intégrale.

Le plus gros des moteurs essence, en plus de fournir 400 chevaux, déploie 550 Nm de couple disponible dès 2’000 t/min. C’est un bloc particulièrement souple et évolutif, avec des aptitudes de reprise et de force particulièrement étonnantes. Les moteurs Ingenium ne sont pas réputés pour leur aspect économe en énergie fossile. Le 6L essence n’échappe pas à la règle. Sur 850 kilomètres d’essai, la consommation se stabilise à 14 l/100km en moyenne. En étant particulièrement délicat dans la conduite, on peut faire tomber le chiffre à 12,8 litres. Dans le terrain, la machinerie engloutit en moyenne 18,5 litres aux cent kilomètres.

Au volant

S’il y a bien une chose que partage ce Defender avec son prédécesseur, c’est la stature. Il est sacrément massif, dans toutes les dimensions. La version 110 accentue naturellement cet effet, avec son empattement long. Comme dit précédemment, je suis interpellé par son aspect moins robuste. Loin d’être en toc, son allure moins « rough » me fait dire immédiatement qu’il sera compliqué de l’emmener dans le terrain, de peur de casser quelque chose. Là où la précédente mouture vous signifiait par son design qu’il n’aurait cure des bosses et des coups. Un coup de marteau et un morceau de scotch et ça repart.

Avec ses 2’105 mm de largeur (2’008 mm rétroviseurs rabattus), j’en viens à appréhender aussi la circulation en ville. Sur ce point, le Defender me fait immédiatement mentir. Il est étonnamment maniable, braque très bien pour le véhicule qu’il est, se montre extrêmement docile et facile à vivre. Le moteur joue sans conteste un grand rôle. Sa noblesse se fait immédiatement sentir. Malgré les 2’570 kilos sur la balance (en ordre de marche), on ne sent jamais de lourdeur sur les relances. Le SUV XXL est même étonnamment véloce et réactif à la sollicitation de l’accélérateur. Que ce soit en milieu urbain, sur routes cantonales ou sur autoroute, le Defender s’en sort toujours très bien. Il met en confiance, riveté à l’asphalte.

Le châssis est sain et communique beaucoup. Les suspensions sont clairement réglées pour répondre aux exigences du terrain. Bien que pilotables, elles souffrent quelque peu de cette orientation. Le roulis est présent, on le sent nettement sur les changements latéraux de charge. La filtration des irrégularités de la route est aussi assez légère. Les amortisseurs sont fermes et on en vient à sentir toutes les variations du bitume. C’est clairement étudié pour absorber rapidement les contraintes soudaines et accepter des compressions fortes sur de longues périodes.

Avec cette configuration 110, je sais par avance que ce modèle ne sera pas le roi du franchissement, l’empattement long pose immédiatement une limite physique. Sans trop attendre, je me dirige vers mes coins favoris des forêts jurassiennes, le but étant naturellement de mettre la mécanique dans la boue, les cailloux, les tapis de feuilles et autres petits nants qui zèbrent les vastes futaies de la région. Je décide de lancer le Defender dans un chemin forestier, en mode standard, sans réglages préalables. Simplement équipé de pneus hiver de route, je sens que le 4×4 n’est pas en confort. Il avance, certes, mais non sans mal.

Après un petit kilomètre à allure réduite, je décide d’ajuster la configuration. Je positionne la bête en pension haute. Je sens que le Defender prend de la hauteur, beaucoup de hauteur. L’écran central « Wade sensing » m’indique que je suis paré faire des passages à guet d’un mètre dix. Je regrette alors que l’Alaska soit si loin. Je sélectionne le mode « Boue / ornières » et je fais feu. Le Land Rover montre alors un tout autre visage. La traction devient phénoménale, l’ordinateur central gère en permanence la distribution de couple. J’en viens à prendre sans peine des talus par le flanc, à franchir de solides arêtes en forêt, le tout dans un plein confort. Si la plateforme renvoie bien des informations, la direction ferme est très peu communicante. La prise d’information par voie analogique est un peu amputée, cependant le numérique comble incroyablement bien le creux.

Le Defender version 2020 est littéralement bardé de caméras, disposés tout autour du véhicule. Il est possible de voir très finement l’état du terrain à 360 degrés. La vue zénithale est naturellement disponible mais aussi en troisième personne depuis les trois quarts arrière et avant, depuis n’importe quelle roue, depuis les boucliers frontaux et postérieurs. A quoi il faut ajouter le rétroviseur central qui est en fait un écran-miroir, capable en un coup de main de refléter ce qui se passe à l’arrière (ce qui est traditionnel) mais aussi d’afficher en haute définition la vue depuis l’aileron de requin. Tout ce barda technologique fera des sceptiques, mais à titre personnel, je trouve ça bluffant, absolument génial et super utile.

Mon parcours à travers les bois débouche sur une plaine ouverte, parcourue par un cours d’eau. C’est le moment idéal pour lâcher les watts. Sans se faire prier, le 6 cylindres fait entendre un grondement rauque du plus bel effet. Je n’attendais pas à percevoir un rugissement si appuyé dans un Defender. J’évolue alors à un rythme soutenu dans ce terrain défait, admirant sur le tableau de bord le travail des suspensions. Les oscillations des essieux sont impressionnantes, les suspensions absorbent de francs chocs sans le moindre bronchement. Le passage de la rivière est une formalité.

Dernier exercice, les gravats. Le chemin choisi est en piteux état, avec larges ornières et des creux de ruissellement, les roches sont de tailles très variables. Je m’y lance, avec précaution, en ayant ajusté mon mode de conduite sur « Rocaille ». Le bloc moteur repart dans une longue fureur. Pas une miette de couple ne passe à la trappe. Pas un dérapage, le SUV évolue avec une aisance qui sidère. Décidemment, ce Land Rover sait me surprendre.

Verdict

J’attendais beaucoup de cette nouvelle mouture de Defender, étant tombé amoureux de l’iconique Def’ d’antan. On est clairement ici dans une autre philosophie. C’est plus raffiné, beaucoup moins rustique. Elle est loin la colonne de direction avec une zone morte de 25 degrés d’angle, les pédales placées de biais et la boîte de vitesse aussi dure qu’un jour sans pain. Mais on a pourtant le droit ici à un Land Rover avec de fortes aptitudes offroad. Si on peut en douter, comme moi, au premier coup d’œil, on ne peut qu’être convaincu par l’efficacité du Defender en dehors des sentiers battus une fois l’exercice accompli.

Cependant, il ne faut pas occulter le fait que cette génération est moins prête par nature à l’aventure. Les prises d’attache sur le châssis sont inexistantes (pour le moins absolument pas visibles), les pièces d’origines nécessiteront des renforcements. On le reprochera moins au modèle 110, par essence moins voué à évoluer dans des terrains hostiles que la version 90.

A mes yeux, le Defender année-modèle 2020 est une belle surprise, un véhicule séduisant, qui se sent bien sur tous les revêtements. C’est une automobile avec une gueule, de franches qualités et des défauts bien perceptibles. En clair, une voiture avec une âme.

Prix et options – Land Rover Defender 110 P400 First Edition

Prix de base : CHF 95’500.-

Crochet d’attelage déployable électriquement : CHF 1’420.-

Climatisation automatique 3 zones avec assistance de refroidissement arrière : CHF 1’280.-

Rails de toit noirs : CHF 340.-

Capteur de qualité de l’air : CHF 100.-

Différentiel actif électronique avec commande vectorielle de couple par freinage : CHF 1’320.-

Système avancé d’assistance au remorquage : CHF 460.-

Ionisation de l’air dans l’habitacle : CHF 160.-

Prix TOTAL : CHF 100’580.-

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Nos remerciements à Jaguar Land Rover (Suisse) SA pour le prêt de ce Land Rover Defender 110 P400 First Edition, ainsi qu’au garage Autobritt SA aux Acacias/Genève pour leur soutien logistique.

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