17 April 2019

Une marque peut profiter de la même aura à l’échelle du globe, mais avoir un plébiscite commercial très variable selon les marchés ciblés. Sur le nouveau continent, le constructeur y est bien installé et affiche des ventes qui se stabilisent autour de 150’000 unités annuelles, soit la même performance de Land Rover sur le marché européen. Sur les vieilles terres de l’Ouest en revanche, la firme de Détroit se fait figure de produit d’exception, avec 1’614 voitures vendues. C’est avec ce sentiment de mettre les mains sur un véhicule d’un autre monde que débute mon essai de l’Escalade.

  • V8, essence, 6’162 cm3
  • 426 ch à 5’600 t/min
  • 621 Nm à 4’100 t/min
  • Boîte de vitesses automatique, 8 rap.
  • Vitesse maxi : 180 km/h
  • 0 à 100 km/h en 6.7 sec.
  • Poids : 2’710 kg
  • Long./larg./haut. (mm): 5’179 x 2’061 x 1’896
  • Conso. mesurée : 15.4 l/100 km
  • Emissions CO2 : 287 g/km (G)
  • dès CHF 119’750.-,mod. essayé: CHF 127’000.-


Texte et photos : Matthieu Giraudier


Aux Etats-Unis comme en Europe, Cadillac fait figure de l’ancestrale marque de luxe, dans un pur style américain, avec des modèles iconiques tels que l’Eldorado Biarritz ou la mythique DeVille de 1957.

Dans le milieu automobile, à la base de tout véhicule, il y a un parti pris, une philosophie directrice sur laquelle se grefferont les innombrables contraintes techniques, économiques et stylistiques. Gagnés par la fièvre SUV depuis quelques années, l’Europe comme le continent asiatique se sont montrés très créatifs en peu de temps, en proposant des véhicules sportifs utilitaires de tous types, du plus ramassé au plus volumineux. Mais dans cette dernière catégorie, les héritiers de l’Oncle Sam gardent une sacrée longueur d’avance.

L’Escalade fait d’ailleurs figure de proue de ces voitures format XXL, en jouant la carte d’une surenchère très « America is great (again) ». Au final, qu’est-ce que l’Escalade ? Un gros bluff pas très subtil ou un géant qui domine le reste du monde ?

A l’extérieur

Bien qu’averti du véhicule que je dois essayer, la première rencontre avec l’Escalade relève de l’expérience mémorable. Il est tout simplement massif et impose sans délai le respect. Le réflexe irrépréhensible qui vient alors est de faire le tour de la « bête », pour mieux constater, appréhender et admirer la titanesque attitude du 4×4.

L’avant d’abord surprend : il est carré, haut de gabarit, largement dominé par cette colossale calandre chromée. Les projecteurs, aux cinq matrices LED verticales, ne font pas dans l’agressivité mais au contraire dans le sobre et le sage. Complété par les antibrouillards placés en équerre, l’ensemble confère à la face antérieure un air magistral qui en impose.

L’arrière joue dans le même registre, où moult détails viennent compléter un design global efficace et épuré. Si les formes ne font pas dans l’alambiqué, chaque pièce est en volume, composée çà et là de biseaux soigneusement distillés. Les phares verticaux qui parcourent sur les deux tiers le pan postérieur structurent l’ensemble et s’intègrent très bien dans l’esprit de sobriété. En plus d’être un élément stylistique bienvenu, le « spoiler » arrière a aussi une fonction utile : il permet à l’essuie-glace de disparaître quand il n’est pas utilisé. Un petit détail, insignifiant pour certains, que je trouve ingénieux.

Les flancs se distinguent par le « catwalk » qui prend naissance aux phares avant et file jusqu’à l’arrière pour faire partie du dessin des feux stop. Les jantes chromées, comme nombres d’inserts de carrosserie, sont à l’image du reste : classiques sans pour autant paraître démodées. Le débattement important entre les arches de roues et les pneus interpelle immédiatement et trahit d’un potentiel tout-terrain non négligeable.

Le dernier élément, la cerise sur le gâteau, est définitivement le plus amusant : dès que j’ouvre une porte, le marchepied, alors intégré à la carrosserie, se déploie électriquement, pour faciliter l’accès à l’intérieur. Je ne peux retenir un rire de surprise. C’est ridicule, pour la plupart sans doute inutile, mais je suis fan. J’ai alors cette impression naissante de rentrer dans un véhicule très particulier.

A l’intérieur

C’est sans grande surprise que l’intérieur est dans la continuité de l’extérieur. Je m’installe dans le siège conducteur et je me sens immédiatement comme dans mon salon. L’assise et le dossier sont très larges et misent sur le confort. Les réglages électriques à 14 positions permettent de trouver très finement la position idéale, le soutien lombaire ayant une amplitude d’action large, de quoi ravir le maximum de personne. L’aspect enveloppant est très limité et réduit à la plus simple expression.

Je parcours des yeux le tableau de bord, la planche, la console centrale. Chaque élément est bien fini, les pièces supérieures sont recouvertes d’un cuir de bonne facture, les panneaux inférieurs étant décorés d’Alcantara. Des inserts en bois de palissandre assurent la jointure entre les divers éléments. Les contre-portes sont une réplique de l’assemblage du mobilier avant, intégrant les mêmes matériaux. Le volant, lui aussi recouvert de cuir, est dans un format contenu et se montre agréable au toucher. Les commandes intégrées tombent bien sous la main. Je n’adhère pas cependant au ressenti offert par les boutons, que je trouve trop accrocheurs, pas assez souples, pas assez bien finis. Ce n’est rien en comparaison au levier de commande de boîte de vitesse, incorporé à la colonne de direction. Si on se trouve dans un choix technique et esthétique typiquement américain, il reste que la dimension de l’objet est disproportionnée. On a affaire ici à un manche à balai plutôt qu’à un commodo standard. Il déborde ainsi allègrement sur la console lorsque la vitesse « D » est activée ; vraiment pas top !

Le tableau central de contrôle est vêtu de plastique noir laqué. C’est selon moi la partie faible de cet habitacle. Le rendu fait un peu « cheap », d’autant plus que les boutons de commandes sont peu sensibles et capricieux parfois. Leur finition tire vers le bas la sensation globale de qualité.

L’écran tactile de 8 pouces embarque un info-divertissement à la qualité variable. Si la résolution est bonne et l’habillage correct, il demeure que la réactivité n’est pas le fort de ce système. Il se montre de plus assez restrictif dans la configuration, lorsque le véhicule est en mouvement. Si nombre de voitures de diverses marques interdisent de coupler un dispositif Bluetooth lorsque l’auto est en mouvement, l’Escalade n’autorise carrément pas la configuration du GPS ou la balade dans les menus du dispositif DVD. Une lourdeur qui s’est avérée sur la période de l’essai assez agaçante.

En plus du lecteur DVD évoqué, notre véhicule à la finition haut-de-gamme « Platinum » emporte de série un ensemble d’écrans multimédia à l’arrière, se déclinant en un écran centrale rabattable – qui obstrue la vision du rétroviseur central lorsqu’il est déployé – et deux écrans incrustés dans les appui-têtes des sièges avant. Si le moniteur principal n’est lié qu’au lecteur DVD, les afficheurs annexes acceptent d’autres sources vidéo en sus. Il est ainsi possible de connecter une clef USB ou encore un autre dispositif ayant des câbles composites en sortie audio/vidéo.

Il est à savoir que l’Escalade Platinum n’existe qu’en version 7 places. Ainsi la deuxième rangée est composée de deux sièges indépendants très conforts tandis que le troisième rang est fait d’une banquette deux tiers/un tiers. Avec une longueur totale de 5’179 mm, on se doute naturellement que l’espace n’est en rien un problème. On peut ainsi profiter d’un vrai salon à l’arrière du conducteur, où il est possible d’entreposer mille choses dans le couloir central. Pratique pour une très longue virée avec deux enfants, l’espace arrière peut vite devenir une salle de jeux. Sur la dernière rangée, le volume est plus confiné mais largement plus généreux comparativement à ce que peut offrir la concurrence. On peut ainsi tenir à trois adultes sur la banquette. Le confort n’est alors pas fantastique, mais bien suffisant, même pour une escapade de 200 km. Chaque élément arrière est rabattable électriquement, via les commandes accessibles depuis le coffre ou sur le montant du pilier B pour les secondes rangées uniquement. Pour la plus lointaine des volées de sièges, les dossiers peuvent aussi être remis en place grâce à l’assistance électrique.

Dans sa configuration standard, le coffre propose 431 litres de rangement, mais dans une configuration tout en hauteur, sur une mince surface au sol. Ce qui s’avère être très peu pratique dans la vie de tous les jours. Une fois la banquette rabattue, le volume grimpe à un impressionnant 1’461 litres. Dès lors que les fauteuils individuels sont repliés, le volume offert est colossal : 2’668 litres !

Il y a néanmoins deux ombres au tableau : avec la configuration présentée, lorsque la banquette est en bas, il n’existe aucune séparation entre le coffre et les places arrière, pas l’idéal en matière de sécurité. Le seuil de chargement est, quant à lui haut, vraiment haut, ce qui s’avère pénible, même pour charger de simples cabas de courses.

Sous le capot

En matière de motorisation, point de fioriture et de proposition à rallonge. Cadillac réduit le choix à un bloc moteur, le V8 essence de 6.2 litres, développant 426 chevaux à 5’600 t/min et affichant un couple solide de 621 Nm à 4’100 t/min.

Sans grande surprise, l’engin se montre vorace, d’autant que le poids sur la balance est conséquent : 2’710 kilos ! Ainsi la consommation moyenne constatée sur les 730 kilomètres d’essai est de 15.4 litres aux cent kilomètres. Ce chiffre est naturellement à mettre en perspective. En utilisation purement autoroutière, l’Escalade se contente de seulement 7.5 l/100km, la coupure d’alimentation de quatre cylindres y étant pour beaucoup. Dans un emploi mixte raisonnable, il est possible de fixer la valeur de consommation autour des 14 litres, au prix de très gros efforts et d’une conduite souple sans faille. Mais dès lors que l’allure augmente, l’appétit devient féroce. Sans retenue, la barre des 20 litres est systématiquement dépassée !

Au volant

Pour le dire sans détour, être aux commandes de pareil engin est vraiment quelque chose de spécial. La première sensation est naturellement celle de piloter un tank. Ce feeling est renforcé par le fait que le pare-brise est étonnamment petit. Je me prends à croire que l’Escalade est plus gros qu’il ne l’est véritablement. Cependant, avec l’intervention des assistances à la conduite, cette mauvaise impression s’estompe très rapidement et je découvre au final une voiture pas si massive. La seule dimension qui sort concrètement de l’ordinaire, c’est la longueur.

La manœuvrabilité du SUV américain est pourtant excellente : le rayon de braquage est impressionnant pour ce type de véhicule. Concrètement, je ne perçois aucun écart de difficulté entre conduire une berline standard et ce Cadillac. Se faufiler dans le trafic, se garer ou encore parcourir les ruelles anciennes de villages perdus devient rapidement un exercice facile. La direction joue aussi un bon rôle, elle qui se montre consistante et relativement précise. Je dis relativement, au vu du véhicule essayé. Les jantes de 22 pouces, chaussées de pneus Bridgestone Blizzak P285/45R22, pèsent sérieusement sur la colonne.

La suspension se montre franchement souple, avec un réglage de base qui semble laisser de la place pour une conduite hors-piste. Pour en avoir le cœur net, par un matin très frais d’hiver, je me décide, au sommet d’un col, à quitter le bitume. L’occasion est belle pour fouler l’herbe verdoyante et les reliefs inégaux d’une prairie zébrée par un ruisseau. Le dénivelé abrupt du bord de la route ne pose en rien un problème à l’Escalade. La traction se montre efficace et maîtrisée par les systèmes embarqués. Une fois rendu sur le plat, la balade devient plaisante, bien qu’agitée. Les creux et les butes sont nombreux, mais les suspensions font un travail merveilleux pour amortir les gros chocs et lisser les imperfections du terrain. Après avoir franchi le ruisseau avec franc élan, il vient le moment de gravir un chemin raide, s’enfonçant dans la forêt. Le système 4×4 fonctionne alors à plein, et sans avoir à paramétrer la moindre chose – il m’est pourtant possible de passer en petites vitesses (4Lo). Le SUV ronfle alors à plein poumon, dans un son tempétueux. Il grimpe aisément le sillon jonché d’ornières et fait fi du glissant de la piste. Sans avoir la prétention d’être un franchisseur hors-pair, l’Escalade affirme en dehors du macadam un caractère certain et fait preuve d’une motricité sûre et infaillible.

De retour sur des parcours plus tranquilles, l’Escalade déploie d’autres qualités indéniables. Sur autoroute, le silence est réel malgré les diverses turbulences sonores extérieures. La conduite est souple, le trajet sur voies rapides se fait en tout quiétude, l’amortissement étant là aussi très bon. Un moment apprécié par mes passagers à l’arrière, qui profitent des écrans mis à leur disposition, sans mauvaises sensations.

Avec un V6 6.2 litres à bord, je ne manque jamais une occasion de taquiner la pédale d’accélération. Avec une masse de 2,7 tonnes, mais doté de 426 chevaux, l’Américain se montre étonnamment véloce, plus que je ne le pensais. Les accélérations sont franches, très linéaires et toujours accompagnées par ce son distinctif des moteurs atmosphériques.

Verdict

Vouloir comparer l’Escalade à la concurrence est selon moi une ineptie, du temps perdu. Pour la simple raison qu’il évolue dans un monde à part pour le marché européen. C’est évidemment un SUV de luxe, avec des qualités affirmées et des défauts certains ; c’est une voiture déconnectée des considérations bien européennes, si lisses et si sages. C’est un monstre qui a de la gueule, qui en impose ; au moulin vivant, qui ronfle, qui souffle, qui gronde, qui engloutit la benzine d’une manière totalement folle.

Malgré son postulat complètement déraisonnable, au pays des 4×4 familiaux de luxe, il est celui qui trône au sommet de la colline, fièrement posté au pied de la bannière étoilée. D’une bannière étoilée ? America, period.

Prix et options – Cadillac Escalade Platinum Edition

Couleur de carrosserie « Granite foncé métallisé » : CHF 1’000.-

Prix TOTAL : CHF 127’000.-

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Nos remerciements à Cadillac pour le prêt de ce Cadillac Escalade, ainsi qu’au Garage Guex à Bremblens/Morges pour leur soutien logistique.

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