Essai – Alfa Romeo Giulietta : Romeo retrouve Juliette

A l’occasion de son centenaire en 2010, Alfa Romeo a ressorti du formol une appellation phare de son histoire : Giulietta. La nouvelle venue, remplaçante de la 147, aura fort à faire pour se hisser au niveau de ses concurrentes, qui certes ne véhiculent pas le même romantisme dans leur désignation, mais sont qualifiées de références absolues dans le segment : VW Golf/Audi A3, Peugeot 308, Renault Megane. Passage en revue de l’outsider venue du sud équipée du moteur 1.4 l. Turbo Multiair.

  • 4 cyl. en ligne, turbo, 1’368 cm3
  • 170 CV à 5’500 t/min
  • 250 Nm à 2’500 t/min
  • Boîte de vitesses manuelle, 6 rapports
  • Vitesse maxi. : 218 km/h
  • 0 à 100 km/h : 7.8 sec.
  • Poids : 1’365 kg
  • Conso. mesurée : 8.0 l./100 km
  • CO2 : 134 g/km (B)
  • dès CHF 33’300.-
    modèle essayé : CHF 41’900.-

 


Texte : Jérôme Marchon / Photos : Jérôme Marchon, Steve Waelti


Ainsi donc, après dix de bons et loyaux services, une éternité dans le segment des compactes, la 147 tire sa révérence pour laisser place à la Giulietta « 2010 ». Surfant sur la vague stylistique inaugurée par la Mito, cette compacte se doit d’être bien née si elle souhaite pouvoir tenir la comparaison avec ses concurrentes. A cet effet, elle inaugure une nouvelle plateforme dite « modulaire », pouvant accueillir plusieurs longueurs d’empattements, et qui devrait, à terme, équiper de nombreux modèles Fiat, Alfa Romeo, Lancia et… Chrysler.

 

L’extérieur

Le moins que l’on puisse dire est que la Giulietta séduit dès le premier coup d’œil. Plus élancée que la 147, elle arbore avec fierté des lignes à la fois élégantes et dynamiques. La face avant garde le lien de parenté avec la Mito tout en jouissant d’une personnalité qui lui est propre. Les blocs optiques allongés mettent ainsi en valeur la désormais classique calandre allongée sur laquelle viennent mourir les nervures du capot. Tout en rondeur dans sa partie haute, l’avant affiche quelques lignes acérées au bas du bouclier. Grâce à l’astuce inaugurée pour la première fois sur la 156, consistant à cacher les poignées des portes arrière dans leur montant, ainsi que les petites surfaces vitrées, notre Juliette se donne de faux airs de coupé. L’arête latérale qui parcourt les flancs ajoute une pointe de dynamisme bienvenue sur ces grandes surfaces de tôle. Je regrette cependant la présence sur notre modèle d’essai de roues 16″ clairement sous-dimensionnées visuellement pour donner un vrai caractère sportif à notre Giulietta. Fort heureusement le catalogue d’options recèle de petits trésors qui vous permettront de personnaliser à votre goût cette Italienne. La poupe apparaît plus consensuelle mais traitée avec soin malgré tout; très haute et massive, elle s’orne de deux magnifiques plis de carrosserie soulignant les guirlandes de LEDs des feux arrière.
La Giulietta est sans nul doute l’une des plus belles compactes du marché, mais aussi la plus encombrante. Avec 4.35 mètres de longueur, elle coiffe l’Audi A3 Sportback de 6 cm !
N’ayant rien à prouver à qui que ce soit en termes de design depuis la renaissance d’Alfa Romeo en 1997 avec la 156, les designers du Centro Stile nous gratifient à nouveau d’une oeuvre remplie de personnalité et de charme.

 

L’intérieur

Très élancée et empreinte de nostalgie rappelant les glorieux modèles seventies de la marque avec les compteurs engoncés au fond de leur cylindre, la planche de bord n’est pas pour autant dénuée de modernité. Recouverte sur sa façade d’une coque couleur aluminium (le vrai métal ou le carbone sont également disponibles en option), elle abrite tout ce que l’on est en droit d’attendre d’une auto d’aujourd’hui. L’écran du GPS/ordinateur de bord s’escamote du sommet de la planche tandis que la console, face aux passagers, abrite les commandes de la radio ainsi que les gros boutons de la climatisation. L’ensemble est plutôt bien pensé, ergonomique, et quelques formes rappellent ici aussi le passé comme la série de commutateurs à bascule. La qualité de l’assemblage ainsi que la finition confirment les progrès entamés sur la Mito. De même, la qualité générale des matériaux, moussés et satinés, est plutôt flatteuse. Toutefois certains choix de plastiques frustres et bas de gamme au niveau des contre-portes et hors du champ visuel habituel auraient mérité un peu plus d’attention.
Toisant 13 cm de plus en longueur que la 147, je m’attendais à retrouver ce gain en termes d’habitabilité. C’est le cas à l’avant où la position de conduite idéale est aisément trouvée au moyen des nombreux et amples réglages du siège et de la colonne de direction. Mais le gros point faible reste l’espace à l’arrière ; déjà souligné en son temps sur la 147, ce défaut persiste sur la Giulietta, auquel il faut ajouter une garde au toit et des surfaces vitrées réduites. Les grands gabarits souffriront certainement de claustrophobie.
Le confort à bord est excellent, jouissant en premier lieu d’une suspension tarée « confort » mais également de sièges accueillants et bien rembourrés, à l’assise confortable. Je regrette cependant leur manque de maintien latéral en conduite dynamique.
Le coffre profite par contre pleinement de la forme massive de la poupe. Avec 350 litres, il surpasse de près de 25% la capacité de la 147, rejoignant ainsi les références du segment. Malheureusement je note aussi la rareté des rangements dans l’habitacle, devant me contenter de ceux sous l’accoudoir central avant, les aumônières des contre-portes et la boîte à gants.
Ainsi donc, malgré quelques imperfections – qui rendent en définitive chaque Alfa si attachante – la marque milanaise réussit à rendre une copie se rapprochant de plus en plus des Germains en termes de qualité tout en se permettant de largement les distancer en termes d’originalité.

 

Sous le capot

Voilà la pièce maîtresse de cette Alfa Giulietta. Lauréat du « Best New Engine 2010 », devant le V8 4.5 l. de la Ferrari 458, excusez du peu, ce quatre cylindres de 1.4 litres Multiair développe la bagatelle de 170 CV à 5’500 t/min pour 250 Nm à 2’250 t/min (avec overboost). Mais à propos, quésaco « Multiair » ? Sans trop entrer dans les détails, il s’agit d’un système électrohydraulique contrôlant de manière indépendante le volume d’air entrant dans chaque cylindre, via le pilotage de la levée des soupapes. En résulte un gain de puissance et de couple tout en réduisant la consommation et les émissions de CO2. Ce système va peu à peu se généraliser sur les futurs propulseurs du groupe Fiat.
Malgré une cavalerie pour le moins abondante compte tenu de sa cylindrée modeste, ce quatre cylindres Multiair est tout à fait civilisé. Un poil creux en-dessous de 2’000 t/min, il saura vous gratifier de reprises franches une fois le turbo entré en fonction. Il joue même de quelques vocalises rauques entre 4’000 et 6’000 t/min, tout en poussant avec force et constance, de quoi ravir les Alfistes. Malheureusement une fois la barrière des 6’000-6’500 t/min la fête est finie et il est temps de passer le rapport supérieur. Eh oui, les montées rageuses et sans fin des anciens « Bialbero » ont été sacrifiées sur l’autel de l’efficience écologique. Il n’en demeure pas moins que ce moulin, à l’inverse de son grand frère le 1750 de 235 CV qui équipe la Giulietta Quadrifoglio au sommet de la gamme, délivre un réel agrément et jouit d’un côté ludique et pétillant que l’on retrouve trop peu dans le segment.
Ce moteur est accouplé à une boîte de vitesses manuelle à six rapports, parfaitement étagée et à la commande agréable, qui permet de tirer la quintessence du cœur sportif de la Giulietta.
Enfin, pour couronner le tout, ce 1.4 l. Multiair sait également se montrer sobre. La consommation moyenne durant cet essai se fige à 8.0 l./100 km. Et je ne me suis pas privé d’exploiter tout le potentiel du moteur. Aussi loin que je m’en souvienne c’est une moyenne que je n’ai jamais réussi à réaliser au volant d’une Italienne « conventionnelle ». Comme notre belle était équipée du système Stop/Start, c’était également l’occasion de tester le gain effectif de consommation d’un tel dispositif. Globalement, entre deux trajets fortement similaires (1/3 urbain, 1/3 extra-urbain, 1/3 autoroute) j’ai noté un gain d’environ 0.5 l./100 km lorsque le système est en fonction. Dans le cas d’une conduite urbaine exclusivement, le gain doit être, à n’en pas douter, largement supérieur. Du côté des émissions de CO2 le 1.4 l. Multiair se contente d’un tout petit 134 g/km qui permet à la Giulietta d’afficher fièrement la note « B » à cet exercice.

 

Au volant

Alfa à l’extérieur, Alfa à l’intérieur, Alfa sous le capot, qu’en est-il des sensations au volant ? Sont-elles dignes du blason au Biscione ?
La Giulietta reprend le système « DNA » de la Mito, soit le choix de trois modes de réglage de la réactivité de l’auto que l’on sélectionne via le commutateur dédié derrière le levier de vitesses. Le mode « A » (All Weather) limite le couple du moteur et convient pour une utilisation lors de conditions d’adhérence précaires (pluie ou neige). Le mode « N » (Normal) est celui par défaut, gage de polyvalence tant dans la réactivité de l’accélérateur que l’assistance de direction. Le dernier mode, « D » pour Dynamic, rend la pédale d’accélérateur plus réactive, durcit la direction et permet au moteur de délivrer le couple maximum grâce à l’overboost. Comme dans un jeu vidéo, l’écran du GPS affiche un diagramme instantané de l’utilisation de la puissance moteur et la pression du turbo.
Très dynamique dans son tempérament, la Giulietta s’avère agile et réactive sur la route. La caisse est rigide de part l’utilisation d’aciers à haute résistance et la présence d’aluminium a permis de contenir son poids, donné par le constructeur à 1’365 kg. Le châssis est vif et équilibré. Les enfilades de virages s’enchaînent avec facilité en conservant un comportement toujours rassurant. La prise de roulis est contenue en conduite normale. Il n’y a que lors de très gros appuis ou freinages très appuyés que le train avant aura tendance à prendre du roulis et devenir flou. La monte pneumatique « taille haute » équipant notre voiture d’essai y est probablement pour quelque chose, mais c’est surtout l’amortissement qui est à mon sens peu en phase avec le caractère sportif de notre compacte. « Ni trop dur, ni trop mou », il assure un confort de premier ordre avec efficacité. Mais en conduite dynamique les suspensions nuisent à la précision des trajectoires, impliquant de nombreuses petites corrections du volant. De plus, lors de gros freinages, même si les freins remplissent parfaitement leur tâche, l’auto s’écrase littéralement sur son train avant. Le choix de l’un des « Pack Sport » dotant la Giulietta d’un amortissement typé sport devient alors incontournable.
La motricité du train avant n’a jamais été mise en défaut et il n’y a qu’en conduite sportive que des effets de couple remontent dans la direction. Cette dernière est par ailleurs un exemple du genre : à assistance électrique, elle inaugure un système à double pignon lui conférant des qualités similaires à une assistance hydraulique. En résulte un meilleur ressenti de la route, moins artificiel surtout à basse vitesse, tout en restant précise et directe.

 

Verdict

Reste l’épineuse question des tarifs. Souvent qualifiée « d’Audi italien », la marque milanaise fait preuve d’un peu plus de modestie avec sa Giulietta. Disponible dès CHF 33’200.- en version de base, notre modèle d’essai équipé de quelques options se négocie à CHF 41’900.-. Le prix d’accès pour la version haut de gamme (Quadrifoglio Verde), 235 CV, se situe à CHF 39’950.-, soit quelques milliers de francs en-dessous des Allemandes visées.
En définitive, l’Alfa Giulietta est une auto bien née. Du style, du caractère, de l’agrément, ces trois ingrédients indispensables à toute Alfa Romeo sont bien présents. Ajoutez-y un équipement complet de série, une qualité de fabrication de bon niveau et un positionnement tarifaire compétitif et vous avez sous vous yeux un excellent compromis. Certes tout n’est pas parfait, mais dans ce segment ultra-concurrentiel des compactes, la Giulietta 1.4 l. Multiair n’a pas à rougir de ses prestations et offre à mon goût plus de vie et de plaisir au volant que n’importe quelle autre de ses concurrentes à performances égales. Voilà une vraie Alfa du XXIe siècle qui a su conquérir bon nombre de cœurs sportifs, à voir le nombre d’exemplaires croisés dans la rue, et qui devrait à son tour entrer dans les annales de la marque.

 

Prix et options – Alfa Romeo Giulietta 1.4 Turbo Multiair Distinctive

Prix de base : CHF 35’800.-

Sièges en cuir et chauffants : CHF 2’100.-

Système de navigation avec écran couleur Blue&Me : CHF 2’850.-
y.c. système audio 8 HP et volant multifonctions

Rétroviseurs extérieurs électriques, dégivrants et rabattables : CHF 300.-

Capteurs de stationnement arrière : CHF 500.-

Peinture pastel spécifique Blanc : CHF 350.-

Prix TOTAL : CHF 41’900.-

 

Pour partager vos impressions, rendez-vous sur le forum UltraSportives.

 

Nos remerciements à Fiat Group Automobiles (Suisse) S.A. pour le prêt de cette Alfa Giulietta.

 

A lire aussi

Genève 2011 – Alfa Romeo 4C Concept